Le terrain de La diaspora de la chambre 107 est un foyer de travailleurs migrants dans le 19ème arrondissement de Paris et plus particulièrement une chambre de ce foyer où les résidents se rassemblent, discutent, écoutent de la musique... Un terrain minuscule, de14 m2 et situé au cœur de Paris, loin des lieux où l’anthropologie, cette pratique du dépaysement, se pratique traditionnellement. C’est littéralement au coin de la rue que Claire Clouet a trouvé l’autre. Cette chambre se révèle en effet d’une très grande richesse. Ensuivant certaines des personnes qui s’y retrouvent, elle découvre et étudie toute une diaspora, dispersée à travers l’Ile-de-France, celle des Soninkés, population originaire d’une région située entre le Sénégal, le Mali et la Mauritanie. Le fil la conduit jusqu’en Afrique de l’Ouest, dans les villages où les artistes rencontrés au cours de l’enquête retournent l’été afin de visiter leurs familles. La chambre 107 est la métonymie d’un territoire autrement plus vastes, ou un point dans un réseau transnational, celui que la diaspora soninkée a tissé au fil des générations. Le plus proche devient le plus lointain.
Claire Clouet mène d’abord une réflexion profonde et nuancée sur la notion d’accueil, qu’elle réfléchit du double point de vue de ceux qui accueillent et de ceux qui sont accueillis.Elle fait ainsi l’histoire méconnue des foyers de travailleurs en France à partir de l’après-guerre. Et elle décrit avec beaucoup de finesse l’expérience de l’exil des Soninkés à Paris, celle d’une « double présence » (ici et là-bas) qui est aussi une « double absence » (d’ici et de là-bas). Elle montre ensuite de quelle manière la chambre 107, lieu de l’entre-deux, où l’on est, bien qu’en France, encore dans une sorte d’exil, est devenue une « création collective ». Moins un lieu donc qu’un espace original, produit par ses habitants : non pas un coin d’Afrique en France mais un nouveau « pays » mêlant une certaine France à une certaine Afrique. Enfin, elle suit le fil de la musique, le cœur de son enquête. C’est la musique qui relie tous ses personnages et qui lui permet, à elle, de circuler en Ile-de-France puis en Afrique entre mariages, fêtes, concerts et festivals. C’est finalement à une anthropologie de la circulation diasporique que Claire Clouet nous invite. La culture qu’elle met au jour naît de cette circulation sans fin, qui emprunte aux pays et aux traditions qu’elle traverse et qui se constitue dans et par ces différences.
La diaspora de la chambre 107 est la réécriture d’une thèse d’anthropologie réalisée à l'EHESS sous la direction de Denis Laborde. Elle est accompagnée d'une pièce – Le Réveil – écrite en 1982 à Bakel, Sénégal, par Abdoulaye Konaté, Taïrou Diakité et Mamadou Niamé, afin de dissuader les prétendants au départ vers l’Europe. Elle a été jouée en France dans plusieurs foyers de travailleurs migrants.

Cet ouvrage a bénéficié du soutien financier de l’Institut Convergences MIGRATIONS porté par le CNRS et auquel participe l'Ecole des hautes études en sciences sociales, portant la référence ANR-17-CONV-0001